Oui, l’Oncle Sam ne cligne même pas des yeux à la mort d’un ami, mais la disparition d’un ennemi lui est insupportable. La prospérité américaine repose essentiellement sur des ennemis réels ou supposés. Quand l’un d’entre eux disparaît, il faut procéder en toute urgence à son remplacement.
Le recours systématique à l’ennemi, cet alibi à tous les excès des morts et des destructions semés dans le monde, est une constante de la politique yankee et apparaît comme une composante essentielle de l’ADN de l’establishment américain. On pensait avoir touché le fond avec G. W. Bush Jr. ou D. Trump, mais J. Biden est là pour rappeler que dans la course au trophée du pire, il faut compter avec lui, indépendamment d’une supposée sénilité qu’on lui prête pour qu’il apparaisse moins effrayant.
Au lendemain des élections américaines, j’avais posté dès le 11 novembre une chronique intitulée, « Biden : victoire à l’arraché, surtout victoire amère » https://www.nouveaudonquichotte.com/post/ndq-biden-victoire-à-l-arraché-et-surtout-victoire-amère où j’expliquais que c’est un Président mal élu qui avait juste bénéficié d’un vote sanction contre son prédécesseur. Autrement dit, les idées de Biden, à supposer qu’il en portait, étaient extrêmement minoritaires dans le pays. Les Américains ne se reconnaissant pas dans leur Président, ce dernier n’avait d’autre choix que de leur offrir plus de feu et sang pour s’inscrire dans la lignée des « Grands » Présidents américains.
Ses prédécesseurs ont fait le ménage en guerroyant partout. En dernier contre l’Islam, rendu exsangue, au point de ne plus constituer une menace, à supposer qu’il en a jamais été une ! Il fallait à tout prix un nouvel ennemi, quitte à en ressusciter. D’où l’idée de sortir l’ours russe de sa tanière pour entretenir le climat de menace sans lequel l’Amérique risquerait de dépérir. L’OTAN, ce pacte agressif par excellence, est le meilleur épouvantail pour sortir notre ours de sa torpeur, exacerbant ainsi son agressivité. Telle est, succinctement l’histoire de la guerre Russie-Ukraine. Toute autre explication me paraît relever d’une cosmétique mal inspirée.
En effet, et compte tenu du profil de cet ancien-nouvel ennemi qui dispose d’un armement nucléaire sophistiqué, l’Amérique préfère lui livrer bataille par Ukraine interposée. Sachant que la Russie ne fera pas usage du nucléaire face à l’Ukraine, on s’obstine à apporter un appui massif en armements à un pays qu’on sait à l’avance qu’il ne gagnera pas la guerre. Qu’importe Au final le nombre de morts et les tragédies subis par les Ukrainiens à partir du moment où les pitoyables Européens seront là pour panser les plaies et payer la reconstruction. L’essentiel n’est-il pas d’affaiblir la Russie, et par la même occasion de fragiliser … l’Europe ?
A l’évidence les USA mènent par procuration la guerre en Ukraine contre la Russie, mais ils font coup double puisqu’ils mènent une guerre larvée, non déclarée à leurs alliés européens. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les rapports Europe-Amérique évoluent vers un antagonisme qui dans la durée, risquerait de prendre des formes violentes.
Certes, l’Europe n’a pas encore le statut d’ennemi déclaré, mais les agissements américains donnent l’impression du contraire. Pour garder la main sur leur alliés, ils n’ont pas hésité à restaurer le climat de peur qui prévalait lors de l’époque de la guerre froide. Le rappel systématique de la prééminence du bouclier nucléaire américain vise à perpétuer la vassalité de l’Europe. Un mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine, je m’étais fendu d’une longue chronique dans laquelle je disais que l’Allemagne sera la principale victime de cette guerre, bien plus que ne le seraient les belligérants directs. (https://www.nouveaudonquichotte.com/post/ndq-la-crise-ukrainienne-un-véritable-tourment-pour-l-allemagne)
Pourquoi les USA font-ils subir à leurs alliés des épreuves aussi tragiques ? Ne risquent-ils pas de s’affaiblir eux-mêmes en ne sauvegardant pas la prospérité, et partant la vitalité de leurs alliés ? Ils sont les porteurs auto-proclamés de Bien. Toute velléité d’autonomisation vis-à-vis d’eux, vous renvoie vers le clan du Mal. La règle est de briser dans l’œuf toute tentative de s’affranchir de leur tutelle. A commencer bien entendu par les alliés, et l’Allemagne est particulièrement visée.
Les Américains ont une notion de l’alliance qui leur est propre. Elle est toute conjoncturelle, pour ne pas dire volatile. De plus elle ne couvre que les aspects à leur avantage, à l’exclusion des aspects qui sont de l’intérêt du partenaire. D’alliance stratégique, elle n’en a point, mais juste un faisceau d’actions tactiques qui font croire à l’allié du moment qu’il fait partie de la stratégie de la super-puissance.
Les USA commencent à perdre du terrain sur le plan économique, tout en demeurant à ce jour la première puissance dans le domaine. Mais le grignotage par les pays émergents qui a commencé avec le début de la mondialisation, s’accélère et prend une dimension qui commence à affoler les responsables américains. La Chine en particulier a atteint la taille critique dans tous les domaines d’activités, ce qui va permettre à la Chine de poursuivre sa progression à un rythme encore plus soutenu. Le blocage des délocalisations et le rapatriement des usines vers les pays occidentaux, ne pourront plus ralentir le régime de croisière du développement en Chine. ( voir à cet effet ma chronique du 19/11/2020, intitulée : Bye, Bye USA, Hello China https://www.nouveaudonquichotte.com/post/ndq-bye-bye-usa-hello-china ).
Ce n’est pas sans raison que D. Trump s’était engagé dans une guerre commerciale contre la Chine. Cette guerre prenait parfois des tournures cocasses pour ne pas dire pathétiques, comme avec l’affaire Hwawei qu’on a voulu écarter du marché des Télécoms sous le fallacieux prétexte que les équipements du géant chinois étaient conçus pour espionner les économies occidentales. Le monde entier a vu dans cette péripétie la reconnaissance implicite par l’Occident de la supériorité de la Chine dans ce domaine de la technologie.
La fébrilité américaine face à leur reculade sur le terrain économique, a amené Trump à étendre sa guerre économique à ses propres alliés. L’Europe et l’Allemagne en particulier ont en substantiellement pâtis. Il s’avère que ces derniers sont d’aussi redoutables concurrents que les Chinois. Ils ont réussi à drainer vers eux des niches entières de l’économie américaine, car tout n’a pas été délocalisé en Asie.
La guerre en Ukraine met l’Europe au régime sec sur le plan énergétique, l’obligeant à s’approvisionner auprès des USA en gaz sale (sale car émanant du schiste), en payant un prix exorbitant.
Par ailleurs, sous la pression américaine, l’Allemagne renonce apparemment à sa démilitarisation puisqu’elle vient de voter un budget faramineux de 100 milliards d’Euros pour se réarmer. Il va de soi qu’une grande partie de ce montant ira à l’achat d’équipements militaires aux Américains, notamment les F-35.
Encore de l’argent sale, celui du commerce des armes ! Peu importe ! A partir du moment où avec cet argent et celui du gaz sale, l’Amérique pourra se refaire une belle santé économique, au détriment de ses alliés, devenus plus pathétiques que jamais.
Pour combien de temps encore, et à quel prix ?
Le comportement agressif des USA vis-à-vis du monde extérieur, qui va à l’encontre de tous les idéaux qu’ils étaient supposés vouloir répandre partout, procède d’une cinglante réalité qu’ils commencent tout juste à admettre sans toutefois l’assumer : celle de la perte de leur leadership économique. N’étant plus les maîtres absolus du terrain économique, ils se replient maintenant sur le terrain géopolitique qui a fait leur force et qu’ils contrôlent outrageusement.
Anticipant une potentielle alliance de la Russie avec le reste de l’Europe, alliance qui ne ferait que précipiter leur débâcle économique, les Américains ont déplacé la compétition sur le terrain géostratégique en engageant l’Ukraine dans une guerre par procuration. Il est évident que la Russie en sortira exsangue et ne sera plus d’aucune utilité pour l’Europe. Inversement cette dernière sera suffisamment affaiblie pour se permettre de secourir le grand blessé de l’Est. Ainsi le rêve du Chancelier Gérald Schroeder se serait-il évaporé et l’alliance germano-russe entrevue par lui, est renvoyée aux calendes grecques.
En déplaçant la lutte sur le terrain géopolitique où ils excellent, les Américains pensent avoir du répit et se préparer ainsi à de nouvelles conquêtes sur le plan économique. Mais quid du gros morceau qu’est la Chine ?
La réponse a été donnée par la visite de Nancy Pelosi à Taïwan. Le message est on ne peut plus clair : l’Amérique ne pourra plus rattraper la Chine sur le terrain de l’économie, il faut conduire l’ennemi sur son terrain de prédilection, celui que l’Amérique continue encore à maîtriser, celui de la guerre !
Même schéma que pour l’Europe : faire avorter toute tentative de réunification pacifique de la Chine en acculant cette dernière à recourir à la force. La fragilisation qui s’en suivra de la Chine, donnera un autre répit aux USA pour tenter de retrouver leur prééminence économique de naguère.
La défense du monde prétendument libre chantée par N. Pelosi à Taïwan est en fait un message au reste de la planète pour rappeler à tout un chacun que la liberté est une exclusivité yankee.
Abdelahad Idrissi Kaitouni.
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