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Biden : victoire à l’arraché et surtout victoire amère.



On est tous admiratifs devant les prodigieuses réalisations accomplies par le peuple américain en deux siècles et demi. Non seulement les Américains ont fait faire à leur pays un gigantesque progrès, mais ils ont entraîné avec eux toute l’humanité vers un essor encore jamais égalé. Je ne crois pas qu’ii existe une personne sincère qui ne serait pas reconnaissante à l’Amérique pour tout ce qu’elle a apporté à la civilisation d’aujourd’hui.


Reconnaître l’apport indéniable de l’Amérique au prodigieux développement que nous vivons, ne signifie pas qu’on est toujours d’accord avec les méthodes choisies pour y parvenir. Le saut qualitatif qu’elle nous a fait faire est malheureusement jalonné de très nombreux et innommables drames humains.


Notre propos ici n’est pas de faire le procès de la société américaine, en épiloguant sur la grande pauvreté qui côtoie une opulence insolente, ou sur la violence endémique qui y règne au point de croire que le pays en état de guerre permanente tant le nombre de tués de mort violente se compte, chaque année, par milliers. On se propose de jeter un éclairage sur la fragilité de cette société révélée au grand jour par les élections du 3 novembre 2020.



Le pays était à deux doigts d’une catastrophe dont ne sont coutumiers que les pays les moins avancés. Nombre d’observateurs estiment que le pays a échappé au pire grâce à sa Constitution. C’est la pierre angulaire de la Démocratie américaine, un pare-feu efficace pour éteindre les risques d’embrasement.


On ne peut que se féliciter de l’efficacité du dispositif. Mais pour efficace qu’il paraisse, rien ne dit qu’il ne finisse pas par céder si de nouveaux soubresauts venaient à éprouver l’Amérique. Un remède est d’autant plus efficace qu’on s’arrange pour n’y avoir jamais recours, en l’occurrence ici, éviter de plonger dans les crises qui en justifie l’usage.


Malheureusement la crise dont vient de réchapper l’Amérique risquerait de resurgir plus durement. Pourquoi et comment ?



Certains médias vont jusqu’à dire que très peu ont voté Biden, mais que la majorité a voté pour que Trump dégage. Dégager un clown, un détraqué des commandes, était la priorité des électeurs américains. Ce n’était pas des votes d’adhésion en faveur de Biden, mais des votes sanctions de son adversaire. Si Biden ne ressent pas l’amertume de sa victoire, c’est mal parti pour la suite.


Biden doit aussi s’interroger, l’Amérique et le monde avec lui, sur une victoire emportée de justesse, une victoire à l’arraché. Les Américains n’ont jamais été aussi nombreux à voter, et le nombre de voix qui se sont portées sur Trump, malgré ses frasques et turpitudes, est affolant pour ne pas dire inquiétant.


Que serait-il arrivé si on avait affaire à un personnage avec les mêmes idées que Trump mais moins burlesque, et avec un langage moins décalé et un comportement plus soft ? Sûrement on aurait eu un raz-de-marée trumpiste dont le monde ne se serait pas relevé !


Une fois passée l’euphorie consécutive au départ du clown, il faudra s’attendre à une véritable lame de fond qui, immanquablement, viendra assurer la continuité du trumpisme sans Trump. Les valeurs défendues par ce dernier sont profondément ancrées dans l’imaginaire collectif de la majorité des Américains. D’ailleurs ces valeurs étaient déjà assez diffuses dans l’opinion bien avant l’arrivée de Trump, mais très peu d’adeptes en parlaient ouvertement. Ce qui a fait croire que leur audience était marginale.


Par ses bouffonneries et ses excès en tous genres, Trump n’a fait que libérer la parole de cette large frange de la population qui le soutient. Décomplexés, les suprématistes et autres racistes de tous poils se sont manifestés ouvertement dans plusieurs états. Loin de les calmer, la défaite de leur champion risquerait de les conforter dans leur conviction que c’est leurs valeurs qui doivent prévaloir.



Biden a dit que sa priorité est le combat à mener contre la pandémie. C’est très louable. L’autre priorité n’est que l’autre maladie endémique qui est entrain de ronger les fondements de la société américaine et qu’on retrouve dans les idées que Trump a popularisées.


Biden et la Doxa avec lui sont conscients du sévère antagonisme qui scinde le pays en deux. Certes il a tendu la main aux trumpistes en déclarant qu’il sera le Président de tous les Américains indistinctement. Mais est-ce suffisant pour ramener vers lui au moins une partie de ceux qui ont voté Trump et retrouver ainsi une majorité dans l’opinion ? Car, à l’évidence les opinions de Biden sont nettement minoritaires, et il sait pertinemment qu’il ne doit son succès qu’aux votes de ceux qui avaient peur de l’aventurisme de Trump.


Face à une opinion qui ne se reconnaît pas en lui, quelles concessions sera-t-il amené à faire? La plus importante et la plus symbolique serait de reprendre à son compte l’idée de «America first ». Il ne s’agira pas d’en faire un slogan, cette fois-ci à la sauce démocrate, mais de donner des gages aux trumpistes sur la continuité sur ce sujet qui recueille l’adhésion quasi unanime des Américains.


Tout subordonner à l’intérêt exclusif de l’Amérique est une règle immuable des différentes Administrations du pays. L’Administration Biden ne dérogera pas à la règle, en veillant à soigner la forme pour se démarquer de l’arrogance du prédécesseur. Dans cet ordre d’idée la guerre commerciale avec la Chine se poursuivra, et ne manquera pas de se durcir aussi avec l’Europe. L’attitude à l’égard de l’Iran ne connaîtra pas d’assouplissement immédiat, et le soutien à Israël sera moins spectaculaire, mais toujours aussi fort et aussi sournois.


Là où il pourrait ne pas y avoir continuité, c’est sur le plan économique. Encore que le programme Biden est trop timoré et manque d’audace par rapport à la justesse des approches faites aussi bien par Bernie Sanders que par Elisabeth Warren.



Tout le monde se réjouit de l’effacement d’un Président totalement imprévisible, et parallèlement se félicite de l’avènement d’une Administration offrant une grande lisibilité. Cette commodité ne doit pas faire oublier qu’il s’agit de la même politique avec des approches antinomiques. Les plus sceptiques disent que Trump et Biden sont les deux faces de la même pièce. Ils sont l’un et l’autre le reflet d’une Amérique qui dérive inexorablement vers une société toujours plus injuste et plus violente.



Abdelahad Idrissi Kaitouni.







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