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La gueule de bois du lendemain et l'audacieux réveil.



Avec cette satanée pandémie, le monde semble avoir été maintenu en coma artificiel pendant de longues semaines. Le sommeil différait par la durée et la profondeur selon les pays, et manifestement les réveils aussi. Et naturellement à l’intérieur de chaque société les individus ont été différemment impactés par cette léthargie. Mais nul n’aura échappé à cet arrière goût de gueule de bois que ressentent, ceux qui se réveillent à peine des brumes d’une lourde soirée d’orgie.


Oui, les populations se sentent groggy et cherchent à émerger. Le spectacle qui s’offre est triste, très triste de désolation : l’économie en lambeaux, la société sans repères, la liberté en sursis, bref l’humain en total perdition. Quand les yeux seront complètement dessillés, le spectacle sera encore plus cruel. Tout le monde appréhende le bilan final, à supposer qu’il puisse jamais être fait.


En attendant des voix discordantes s’élèvent un peu partout pour annoncer les solutions pour le « jour d’après ». Cette expression, « Le jour d’après », empruntée au titre d’un film relatant le lendemain d’une grande catastrophe, semble faire recette. Les avis sont cependant partagés entre ceux qui disent qu’il y a un avant et un après la pandémie, et ceux qui croient qu’il s’agit d’un épisode qui apparaîtra dans quelques mois comme un mauvais souvenir, tant la capacité d’oubli des hommes est grande.


Intéressons-nous à ceux qui pensent que demain sera différent, et intéressons-nous particulièrement au cas du Maroc. Pas mal d’économistes, d’intellectuels, ou simples citoyens cherchent à dégager le contour de ce que sera ou devra être l’économie du pays et de la société marocaine. Par exemple pour ce qui concerne l’économie, c’est le mot « relance » qui revient comme un leitmotiv. Il trahit une forme d’impatience, ce qui est légitime au vu de la panne des principaux mécanismes de l’économie.


Malheureusement c’est avec les solutions d’hier qu’on prépare demain. Il est vrai que la crise est inédite et même en scrutant ce qui se passe à l’étranger, rien n’émerge pour l’instant. Beaucoup se sont rabattus sur la bonne vieille recette : la relance par l’investissement et/ou la consommation. De quelles ressources disposons-nous pour choisir l’une ou l’autre solution où les deux en même temps ? Il y a tout lieu de craindre que la marge de manœuvre est étroite, trop étroite !


En effet, tous les équilibres que le Maroc a essayé de préserver tant bien que mal ont été emportés par la pandémie. On sait que la balance commerciale est chroniquement déficitaire depuis plus d’un demi-siècle. En dehors des phosphates et de l’agro-alimentaire, l’ensemble des produits d’exportation seront impactés, certains plus lourdement comme l’automobile et l’aéronautique. En face les importations vont diminuer surtout avec le recul des quantités de pétrole et la baisse de son prix. L’un dans l’autre des économistes s’attendent à ce que le déficit de la balance commerciale s’aggrave de 6 à 10 milliards de Dirhams.


Mais le plus grave c’est au niveau de la balance des paiements. Le poste principal, les recettes touristiques risqueraient de tomber de 70 à 30 milliards de DH, soit un manque de 40 Mds. L’autre poste non moins important c’est le transfert des Marocains de l’étranger. En gardant à l’esprit que c’est eux qui seront frappés en premier par la vague de chômage de l’après-pandémie, on doit s’attendre à une baisse drastique de leurs transferts. À ce stade nul ne peut prévoir de quel ordre sera la baisse. A titre purement spéculatif certains tablent sur une baisse de 50%, soit un manque d’environ 30 Mds de DH.


Les IDE représentent le dernier poste de la balance des paiements. Ces dernières années, en temps normal, la moyenne des recettes de ce poste tournait autour de 20 Mds. Mais en ce temps de crise le moindre IDE disponible sera fortement sollicité par tous les pays. Raisonnablement, face à des économies plus aguerries et moins abîmées, nos chances sont faibles. Toutefois nous devons nous estimer heureux si nous arrivons à capter 5 à 10 Mds.


En additionnant tous ces chiffres, on se retrouve avec un gap d’un peu plus de 100 milliards de DH, soit grosso-modo 10% du PIB. Et comme notre déficit habituel est de 3,5 à 4%, le déficit budgétaire consécutif à la pandémie s’établira entre 13 à 14% pour la première année de l’après-pandémie. Au mieux, et indépendamment d’autres à-coups comme le facteur climatique, nous mettrons 3 à 4 ans pour résorber ce déficit et retrouver le traditionnel 3%. Lors de cette période de rémission il va falloir trouver 100 milliards de DH supplémentaires. Au total, pour annuler tous les effets de la pandémie, le Maroc doit mobiliser dans les 200 Milliards de DH.


Attention, attention, tous ces chiffres sont purement spéculatifs car n’émanant d’aucune source officielle et ne sont le résultat d’aucune étude précise. Il n’empêche que les ordres de grandeur sont raisonnablement acceptables. Où le Maroc pourra-t-il trouver ces 200 Mds ?

Faire comme tout le monde, jouer l’emprunt.


Sauf que tous les pays ne sont pas égaux face à l’emprunt. Les USA joueront de la planche à billets pour près 4 000 Milliards de Dollars car ils ont le privilège de la monnaie de réserve. En effet, cette gigantesque injection de pouvoir d’achat sans contrepartie de production n’aura pas d’effets dommageables (inflation entre autres) sur l’économie américaine, car ces Dollars seront vite recyclés dans le marché intérieur ou comme instruments de paiement (Bons du Trésor).


L’Europe s’est engagée dans un programme timide de 750 Milliards d’euros, alors que les besoins sont doubles. Mais il fallait adopter un profil bas pour rallier les pays qui étaient hostiles à la mutualisation de la dette. Une fois de plus la rigidité des règles communautaires risquerait de faire capoter la relance en Europe.


Si on ajoute à l’Europe et aux USA les autres pays de l’OCDE, on arrive à des chiffres qui donnent le tournis.


Les misérables petits 20 Milliards de Dollars dont nous avons besoin pour nous relancer, apparaissent comme une goutte d’eau. Mais sommes-nous en mesure de les mobiliser ? Ce n’est pas très évident !


Quel endettement privilégier ? Intérieur ?


La fibre patriotique du Marocain est assez forte pour qu’il accepte de souscrire à des emprunts par exemple, et d’une manière générale à « faire crédit » à l’état. Comme les fonds collectés sont destinés aux règlements des achats des biens et services acquis à l’étranger, ils seront nécessairement soumis à conversion en devises étrangères. L’endettement intérieur se trouve du coup limité par nos avoirs en devises. C’est une contrainte incompressible, le Maroc ne disposant, au mieux, que d’une couverture de six mois d’importations. Exit l’endettement intérieur comme LA solution pour la relance. Au mieux pourra-t-il constituer une partie de la solution.


Il reste le recours à des emprunts extérieurs. Là aussi les solutions ne sont pas évidentes. Tout d’abord la raréfaction de l’argent sera la règle puisque tous les pays en ont besoin pour relancer leurs économies. Ensuite la dégradation des comptes de la nation est telle que nous ne sommes plus « bancables ». Les maudites agences comme Moody’s ou Fitch se feront un malin plaisir de nous affubler des pires notations. Elles se cacheront derrière le fait que nous ne présentons aucune garantie. Les économies italiennes ou espagnoles, autrement beaucoup plus importantes que la nôtre, n’ont de chance d’accéder aux crédits que parce qu’elles bénéficient de la garantie de l’Europe. C’est la vertu de la mutualisation des dettes.


La solution, à la fois radicale et salutaire passera nécessairement par l’effacement des dettes actuelles des pays pauvres et d’économies intermédiaires. La tentation pour l’Occident de profiter de cette crise pour les asservir davantage porte en elle les germes d’une crise humaine qui coûtera plus cher à résorber que le montant des dettes effacées.


Au contraire la résorption de ces dettes aura nécessairement des retombées bénéfiques insoupçonnées sur l’Occident. Effacer la dette des pays en développement revient à injecter du pouvoir d’achat à ces pays. Évidemment que cette manne financière ne sera utilisée que pour l’acquisition de biens et services auprès des donateurs. Cela revient à traiter ces pays comme s’il s’agissait de couches sociales qui ont besoin de soutien pour qu’elles ne sombrent pas dans la précarité.


Après tout les pays de l’OCDE auront besoin pour se relancer de mobiliser environ 5 500 milliards de Dollars. S’ils rajoutent au pot un supplément de 1 500 Milliards, ils vont relancer leurs propres économies, mais aussi celles de la moitié de planète avec un indice multiplicateur indéniablement avantageux.


Cette idée est bien trop audacieuse pour être menée par un seul pays. Un collectif de pays en développement doit se constituer pour réclamer l’effacement de leur dettes. Il est clair que c’est au Maroc que revient l’initiative de mener ce combat en prenant la tête de ce collectif.

Pourquoi le Maroc ?


J’y vois plusieurs raisons, mais je ne mentionnerai que deux. La première c’est que le Maroc passe aux yeux des instances financières internationales comme un pays sérieux. La deuxième, la plus importante, c’est l’aura et le prestige dont jouit notre Roi auprès de ses pairs africains. Il n’y a que lui pour mener une telle initiative avec de réelles chances de succès. Il ne sera plus que Mohammed VI l’Africain, mais deviendra le leader affirmé de l’ensemble des pays en développement.


Abdelahad Idrissi Kaitouni

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