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Indigence morale des Comités* des Prix Nobel.




Le mot Nobel est auréolé d’une respectabilité inégalée et inégalable. La carrière sulfureuse du fondateur du Prix éponyme n’a pas entaché pour autant le mérite incontestable des lauréats. Depuis le début du XX ème siècle le mot opère comme par magie sur le subconscient collectif qui tend à conférer une autorité morale à tout récipiendaire du Prix Nobel. Attitude tout à fait normale car la grande majorité des « nobélisés » méritent amplement leur distinction.


La quasi vénération de ces personnages a nourri chez certains groupes de pression le désir d’assouvir leur volonté de domination en contrôlant les mécanismes d’attribution du Prix. Difficile d’influencer les Comités affectés aux disciplines comme la Physique, la Chimie ou la Médecine, car les Lauréats ont vu leurs travaux largement reconnus par les communautés scientifiques dans le monde avant de recevoir le Sceau du Nobel. Par contre le lobbying est la règle auprès des Comités des Prix d’Economie, de Littérature et surtout de la Paix.


Créer beaucoup plus tardivement le Prix Nobel d’Économie semble n’avoir été institué que pour faire perdurer le libéralisme, et son bras armé, le capitalisme. Les écoles qui ont été distinguées sont celles qui apportent les techniques les plus originales pour maintenir la supériorité du système libéral.


Même quand les préconisations de certains économistes font dans le social, il s’agit en fait d’apporter des moyens de corriger des dérapages manifestes du capitalisme dont la persistance aurait pu conduire à la remise en cause du système dans son ensemble.


Le Prix Nobel d’Économie demeure un Prix fondamentalement idéologique. Il vise essentiellement à consacrer la supériorité d’un système par essence inégalitaire. Morale où es-tu ?


Que cherche à consacrer le Prix Nobel de Littérature ? À coup sûr on vise la consécration de l’esthétique littéraire d’abord. Ensuite on évalue la capacité de l’auteur à appréhender l’être humain dans sa relation avec lui-même, avec l’autre et avec la nature. Enfin on apprécie la manière avec laquelle il arrive à dépeindre la société à travers les rapports entre individus et groupes d’individus.


Je n’ai aucune qualité pour juger de la pertinence des auteurs primés. Mais je suis tenté de croire que l’écrasante majorité des Lauréats répondaient à l’ensemble des critères mentionnés et à bien d’autres critères, la liste citée n’étant pas exhaustive.


Cependant, ce qui rehausse réellement un auteur c’est le caractère universel qu’il arrive à infléchir à son œuvre. Mais ce critère d’universalité pose un sérieux problème, car nul pays ou groupe de pays ou de continent n’en a le monopole.


Le Comité Nobel de Littérature semble avoir définitivement éludé le problème. Soit qu’il estime qu’effectivement l’Occident détient le monopole de l’universalisme, soit qu’il considère que les autres nations sont inaptes à s’inscrire dans la mouvance universelle. D’ailleurs, en 1964 Jean-Paul Sartre a refusé le Prix, dénonçant le caractère fondamentalement occidental de l’opération.


Que le Comité d’attribution s’assigne comme mission de promouvoir la supériorité de l’Occident, cela pourrait à la limite se comprendre car la culture occidentale est une composante incontournable de l’universalité à laquelle aspire tous les humains. Cela ne veut pas dire pour autant que tout ce qui est universel émane du seul Occident.


Au vu de la longue liste des attributaires, on est peiné de constater que le Comité du Nobel de Littérature trahit un déni immoral de l’aptitude des autres peuples à contribuer à l’universalisme tant rêvé. La Chine et l’Inde qui représentent près du tiers de l’humanité n’ont été distinguées que deux fois. Si on leur ajoute les deux Lauréats japonais, on se retrouve avec quatre Prix Nobel de Littérature pour toute l’Asie contre huit pour la seule Suède.

Que ceux qui estiment que l’universalisme est respecté, ou tout simplement que la morale est sauve, qu’ils lèvent la main !


Malgré leur grand-écart avec la morale, les Prix d’Économie et de Littérature ne sont pas trop controversés, habitués que nous sommes aux diktats de l’Occident. Mais le plus désopilant reste le Prix Nobel de la Paix dont les attributaires sont contestés y compris dans les sphères les plus égocentriques de l’Occident lui-même !


Dans ces contestations, le Prix est affublé de qualificatifs les plus loufoques aux qualificatifs les plus dégradants. Loufoque comme ce fut le cas de celui attribué à Obama. Il n’était là, à la Maison Blanche que depuis quelques mois, et le Prix lui tomba sur la tête. Un Prix venu si tôt qu’on ne peut dire qu’il est venu sanctionné un acte vertueux ou consacré une carrière prestigieuse. Passé le moment de surprise, chacun y est allé à sa manière pour expliquer cette loufoquerie.


Beaucoup d’observateurs s’étaient accordés à dire que l’État profond aux USA, choqué par les discours d’Istanbul et du Caire, avait voulu piéger Obama en lui décernant ce Prix, miraculeusement sorti des limbes et pour lui signifier qu’il était déjà dans le sérail et que son comportement se devait d’être en conformité avec un monde qu’il est sensé piloter.


Fallait-il pour être digne du Nobel de la Paix accepter de renoncer aux préconisations de ses deux discours ? Apparemment oui, puisque ses actions ses ultérieures n’avaient fait que déconstruire ces mêmes préconisations.


La fringante ambition du cher Obama a fait place nette à une lamentable reddition !


Le Nobel de la Paix a aussi été qualifié de Prix de la honte dans le cas Aung San Suu Kyi. Elle a été distinguée en 1991 pour s’être opposée à la junte militaire birmane. Mais, une fois au pouvoir, elle était devenue une complice complaisante d’un véritable génocide contre les musulmans Rohyngas. J’y avais consacré une chronique en septembre 2017 qu’on peut consulter en allant sur le lien : https://www.nouveaudonquichotte.com/post/ndq-aung-san-suu-kyi-prix-nobel-ou-prix-de-la-honte

Inutile de revenir sur cette triste personne, j’en reparle uniquement pour rappeler que le Comité du Nobel de la Paix n’a jamais accepté de la déchoir de ce Prix malgré toutes les abominations dont elle s’était rendue coupable. Ce faisant, le Comité se rend à son tour complice de ces abominations.


Dans les Prix de la honte, on ne peut pas ne pas citer celui attribué à Elie Wiesel en 1986. Le père du nouveau sionisme, à la fois brutale et conquérant, s’est imposé d’une manière douteuse au Comité pour arracher cette distinction. Ce monsieur qui a régenté le monde une bonne partie de sa vie, voulait se donner un vernis de respectabilité en brandissant le Prix Nobel pour couvrir l’immoralité de ses agissements commis à la tête du sionisme mondial.


Le Nobel était pour lui, et demeure encore aujourd’hui pour tant d’autres, une couverture commode pour s’auto gracier et se redonner une nouvelle virginité morale. Un bras d’honneur au mot Paix !


À la sortie de chaque conflit, le Comité Nobel de la Paix se croit obligé de distinguer les deux belligérants. Une équidistance qui se veut en apparence morale, mais qui en est tout le contraire puisqu’elle met sur le même pied bourreau et victime. Ce cas s’est répété plus d’une fois. Je n’en citerai que les trois cas les plus criants.


En 1973 le Prix a été décerné conjointement à Henry Kissinger et le négociateur vietnamien Le Duc Tho. C’était un insulte pour ce dernier qui refusa le Prix, et en même temps une absolution des crimes américains au Vietnam.


Même scénario en 1978 quand le Prix a été attribué conjointement à Menahim Begin et Anouat Sadate. Le monde entier en a été offusqué, y compris parmi ceux qui avaient salué en ce moment l’accord de Camp David. Comment le Comité Nobel de la Paix a-t-il osé mettre sur le même pied d’égalité un chef d’état qui se battait pour libérer son pays et un individu connu pour avoir été un des plus grands terroristes de son temps ? De ce fait, le Comité s’est rendu coupable d’un crime innommable en donnant l’absolution à quelqu’un qui, à la tête de l’Irgoun, un des plus redoutables groupe terroriste de l’histoire, avait massacré femmes, enfants et vieillards à Deir Yassine en Palestine, et qui de plus a été complice de toutes les atrocités commises par la Hagana, cette milice sioniste célèbre par le génocide pratiqué sur les populations palestiniennes pour les obliger à aller se réfugier dans les pays limitrophes.


Plus proche nous, à la suite des accords d’Oslo et de Madrid, la mascarade a été rééditée avec l’attribution du Prix de 1994 à Isaac Rabin, Simon Pérès et Yasser Arafat. Passe encore pour Rabin qui était un militaire et n’aurait fait « que » son boulot, mais pour Pérès sa distinction se voulait une approbation d’une diplomatie érigée en art de couverture des crimes de guerre.


Pour ne pas se résigner à ne puiser que dans les lots de personnages controversés, le Comité Nobel de la Paix croit avoir trouvé la parade en attribuant de temps à autre le Prix à des organisations internationales ou des Associations en tout genre. Mais là encore on retrouve des calculs politiques sordides qui sous-tendent le choix final. Les exemples sont légion et je me contenterai de n’en citer que deux.


Pour tenter de récupérer des mouvements politiques ou syndicaux qui sont apparus au moment de ce qu’on a appelé le Printemps arabe, le Comité s’était précipité pour distinguer un quartet tunisien hétéroclite et éphémère pour le Prix de 2015. Hétéroclite car le quartet était constitué d’organisations disparates et parfois hostiles. Des membres de ces courants étaient les premiers surpris par cette distinction et ne comprenaient pas ce qu’ils avaient bien pu réaliser de décisif pour mériter le Nobel. Éphémère car le quartet a déjà disparu et chaque organisation membre a repris son propre destin. La preuve en est que la Tunisie est empêtrée aujourd’hui dans des problèmes inextricables, et pas de quartet à l’horizon pour aider à dégager un semblant de solution. Choix hasardeux et inconséquent et ce n’est pas un cas isolé dans l’affligeant parcours du Nobel de la Paix !


Le deuxième exemple est celui attribué cette année, 2022, au Centre ukrainien des Libertés Civils. Encore une fois, on distingue une association sans aucun pedigree, mais tout simplement parce qu’elle est l’étendard de la partie pro-Occident. Manière de chercher à accréditer l’idée que son étendard est celui de la Paix. Approche miséreuse et indigne de l’idée de Paix.


Comment croire qu’on sert la Paix quand les choix se porte délibérément sur un côté de belligérance au détriment de l’autre ? C’est cependant ce qui s’étale sous nos yeux depuis plus d’un siècle où il apparaît clairement que le véritable souci n’est pas tant de distinguer ceux qui œuvrent sincèrement pour la Paix, que de promouvoir ceux qui consacrent la supériorité des puissants du moment. On a toutes les peines du monde à imaginer que ceux qui, consciemment ou non, deviennent complices de la situation n’apparaissent plus que comme mercenaires. N’est-il pas temps d’abandonner sans délais ce Prix de malheur, appelé pompeusement Prix Nobel de la Paix ?


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*Le mot « Comité » est utilisé comme terme générique pour désigner les diverses instances qui attribuent les divers Prix Nobel.



Abdelahad Idrissi Kaitouni.














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