CRISE MAROC-FRANCE :
Même la reconnaissance de la marocanité du Sahara ne permettra pas de restaurer l’harmonie des relations entre les deux pays !
Rien ne laissait prévoir qu’un jour les relations franco-marocaines se détérioreraient à ce point. Par le passé les nuages qui assombrissaient ces relations se dissipaient pour céder la place à de belles éclaircies. Cette alternance de nuages et d’éclaircies nourrissait chez les officiels et chez de larges parties des opinions publiques un optimisme de rigueur, un optimisme qu’on se plaisait à convoquer au moment de chaque crise.
Cette fois-ci l’optimisme est pris en défaut, et la crise est en train de prendre une tournure gravissime.
Question simple : pourquoi l’entregent d’avant, qui arrivait à dissoudre bien des antagonismes, n’opère plus aujourd’hui ?
Réponse toute aussi simple : les protagonistes ont profondément changé !
Autrement dit les Marocains n’arrivent plus à reconnaître la France d’aujourd’hui. Elle a profondément changé lors des quinze dernières années, au point qu’un ami, amoureux transi de la France, m’a dit que sa très chère France n’est plus habitée par des Français.
Et pour cause, un tsunami de populisme, mêlé à une forte xénophobie, et à une haine irrépressible pour ce qui est arabe et/ou musulman a submergé la France. Certes, cette haine est très ancienne car remontant aux croisades. Comment peut-on imaginer que depuis le temps, malgré la fossilisation de ce sentiment, on puisse assister à sa résurgence ?
C’est sans compter avec la hargne de la classe politique française qui, à court de nouvelles idées, a préféré chercher dans le lointain subconscient collectif un lamentable argument pour mobiliser des populations désemparées.
Pour les Marocains et une large majorité d’Africains, la France n’est plus la France. Au lieu de tirer gloire de tous leurs apports décisifs à la pensée universelle, aux valeurs humaines les plus nobles, les Français d’aujourd’hui donnent l’impression de se satisfaire d’une gloriole équivoque tirée de la période coloniale.
Alors que la Grande Bretagne, qui a un passé colonial autrement plus important, est arrivée à s’en délester, la France tente de se complaire à ce jour dans la mentalité du dominant. Cette mentalité faite de condescendance, quand ce n’est pas du simple mépris, devient insupportable pour les nouvelles générations des descendants des anciens dominés.
Nul ne comprend cet aveuglement de la classe politique française qui campe dans un déni des mutations qui s’opèrent sous nos yeux. Que ce soit les changements de générations, de cultures, et aussi et surtout les importants changements géopolitiques, rien ne semble incliner les Français à adopter des attitudes empreintes d’un minimum de respect et de considération pour leurs anciens administrés.
Le ressenti des Marocains face à l’incompréhensible attitude de la France est d’autant plus violent que le Maroc a toujours fait preuve d’une incroyable mansuétude pour éviter d’arriver à un point de non-retour dans ses relations avec un pays pour qui il vouait estime et admiration.
Rien n’y fait ! Les exactions françaises perdurent et deviennent plus sournoises visant notre identité, et de plus en plus dangereuses puisqu’elles tentent de compromettre l’avenir de nos enfants. Alors les Marocains, fuyant jusqu’à la langue de Molière, répètent à l’envie, comme un leitmotiv : Game is over !
Pour eux la coupe est pleine, et la France, descendue de son piédestal, est désormais perçue comme un pays quelconque, sans les faveurs de l’histoire commune, et bien entendu sans les atours des Lumières. Il n’est plus question de poursuivre des relations tout en occultant les passifs antérieurs.
D’où cette idée devenue tenace chez les Marocains : plus question de poser de simples cataplasmes sur les blessures résultant des provocations des Français, plus de couleuvres à avaler pour satisfaire leur égo démesuré, le contentieux avec la France doit être appréhendé dans sa globalité.
A l’évidence la globalisation s’accompagne d’une complexité accrue des problèmes. Apparemment ce n’est pas pour décourager les Marocains qui aspirent à mettre à plat tout le contentieux franco-marocain, seul moyen pour eux de repartir sur des bases saines.
Ce qui revient à dire que la reconnaissance formelle de la marocanité du Sahara ne suffira pas et ne mettra guère fin la crise avec la France. La reconnaissance effacera certes un des aspects les plus saillants de la crise, mais ne pourra pas pour autant éradiquer les causes premières qui ont conduit à l’impasse actuelle.
Inutile d’aller chercher dans les méandres de l’histoire commune aux deux pays la genèse du problème.
Tous les Marocains s’accordent à dater le conflit à partir du jour où la France a commencé à affecter des territoires entiers du Maroc à leur département d’alors appelé Algérie. Chaque décret rattachant une nouvelle portion du territoire marocain était assimilable à un véritable hold-up. Au total c’est près de 250 000 km2 qui ont été spoliés au Maroc.
Après la défaite du Maroc lors de la bataille d’Isly et le traité de Lalla Maghnia, il n’avait pas été question de concéder des territoires limitrophes. Du coup l’appropriation de terres marocaines ne pouvait reposer sur des justifications juridiques ou conventionnels. Mais cela n’a pas empêché la France, en renonciation totale aux grands principes qu’elle a promus, à profiter de ce qu’on appellerait dans le jargon d’aujourd’hui un « abus de faiblesse », pour procéder à un grignotage méthodique des terres tout au long de la frontière.
Oui, le Maroc était passablement affaibli, et pour limiter les dégâts il s’était résigné à signer en 1912 l’Acte du Protectorat. Autrement dit, il confiait à la France, par ce traité, le soin de défendre, entre autres, son territoire.
Mais la puissance « protectrice » avait immédiatement renié sa signature en poursuivant, tout au long du protectorat, le dépeçage du « protégé », au profit d’un de ses départements, qu’elle imaginait pouvoir garder pour toujours.
La guerre d’Algérie n’a pas permis au Maroc de négocier normalement la restitution des territoires spoliés. Quant au receleur, s’abritant derrière le fallacieux principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation opposait une fin de non-recevoir. Sauf que le Maroc n’a jamais été une colonie et ce principe inique ne lui est pas opposable, car il n’y a pas eu occupation, mais juste un vol suivi d’un recel.
Aujourd’hui la France tente de se laver les mains, renvoyant propriétaire et recéleur face à face. Elle ne pouvait être plus cynique, car elle a réussi à alimenter un conflit qui perdure depuis six décennies. Situation extrêmement dommageable pour les parties, sauf pour la France qui en tire tous les avantages.
Est-ce que le Maroc a voulu épargner le voleur en essayant de solutionner son problème avec le recéleur ? Si tel est le cas, l’impasse est totale, et il est grand temps de rappeler la France à ses responsabilités au risque de compromettre durablement la qualité de relations que la monarchie a toujours cherché à préserver.
Le Maroc a réussi à contenir les préjudices considérables qu’il a subis, et parallèlement il a réussi à diversifier efficacement la palette de ses alliances. Le moment est donc venu d’obliger la France à ouvrir ses archives et rendre publics tous les actes par lesquels elle avait transféré des pans entiers de territoires marocains au profit de son ancien département.
Acte inévitable mais surtout acte salutaire pour que la France renoue avec ses valeurs et retrouve l’aura des Lumières. Mais c’est aussi une condition sine-quoi-none aux yeux des Marocains pour qu’ils acceptent de s’inscrire dans la dynamique vertueuse devant conduire à la restauration des relations entre deux pays condamnés à la meilleure entente.
Abdelahad Idrissi Kaitouni.
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Cher Monsieur,
je ne sais comment vous remercier, comme chaque fois, pour la clareté de vos écrits qui retracent les agissements de la FRANCE.
Mais, les choses changent qu'elle le veuille ou non. le ROYAUME DU MAROC se "détache" de plus en plus de ce pays qui se croit toujours être le colonisateur.
Salutations distinguées.
Abdelaziz ERCHIDI
Consultant Senior, Ecrivain, Formateur et Professeur Universitaire en ASSURANCE