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Boycott : cherchez l’erreur.




J’ai cru avoir décelé, dans de nombreux articles et commentaires parus récemment sur les réseaux sociaux, un véritable désenchantement à l’égard du boycott. Même ceux qui y ont adhéré avec enthousiasme au début, commencent à nourrir quelques appréhensions au sujet de la dégradation de l’emploi et les incidences sur les producteurs de lait. Ces appréhensions, pour légitimes qu’elles paraissent ne reflètent pas moins le doute qui s’est emparé des moins déterminés.


La notion de boycott apparaît aujourd’hui comme un acquis social et les Marocains n’hésiteront pas à y recourir chaque fois que nécessaire. C’est le « modus operandi » qui semble poser problème. Il est très difficile de codifier un processus caractérisé par sa spontanéité. On ne peut savoir quand et comment l’enclencher et quand et comment l’arrêter.

Le boycott est fondamentalement une réaction à une situation donnée. La meilleure manière d’éviter ce genre de réaction, c’est bien entendu d’analyser préalablement la situation politique et sociale du pays. Il ne faut pas être un fin connaisseur des arcanes de la politique pour prendre la mesure du lourd passif que nous traînons depuis des lustres.


Le sujet a été maintes fois développé, et tout récemment par le truculent Reda Dalil. Avec sa belle plume habituelle et sur un ton incisif il a expliqué dans son dernier article intitulé « Eux et nous », comment le Maroc est devenu un pays de castes, sans porosité entre elles. La stratification fait peine à voir : entre le « happy few » comme il qualifie la minorité qui tire les ficelles, et l’écrasante majorité de la plèbe, il subsistait une classe moyenne qui essayait tant bien que mal d’amortir les chocs.


Cet amortisseur, qui est l’assurance-vie du régime, ne semble pas peser lourd face à la voracité des gouvernants. Sinon comment expliquer la politique qui vise à laminer chaque jour un peu plus la classe moyenne ?


En effet, cette mince couche de la population est soumise au quotidien à d’insoutenables pressions. D’abord par la fiscalité qui grève son pouvoir d’achat, ensuite par l’effroyable dégradation des prestations sociales (éducation et santé notamment) qui sont supposées financées par l’impôt.


Faut-il rappeler que le Maroc est le pays le plus lourdement imposé parmi les pays à revenu intermédiaire. Pire, certains taux d’imposition sont comparables et même supérieurs à ceux de certains pays de l’OCDE.


Concrètement, on a les trois impôts qui constituent l’ossature de tout système fiscal : la TVA, l’impôt sur le revenu des personnes physiques et l’impôt sur les sociétés. Le Maroc détient le record absolu dans toutes ces catégories en comparaison avec les pays à économie comparable.


Prenons le cas de la TVA, l’impôt le plus injuste ! Le taux est à 20%, soit un taux très élevé même parmi les pays de... l’OCDE. Le taux moyen de l’impôt sur le revenu des personnes physiques est de 38%, un niveau comparable à celui des pays développés. Là où le bas blesse c’est que l’imposition démarre dès 3 000 DH/mois et peut atteindre 40% pour un salaire de 10 000 DH. L’impôt sur les sociétés n’échappe pas à ces niveaux indécents. En tenant compte de certains abattements le taux moyen est de l’ordre de 31%, alors que le taux dans les pays développés tourne autour de 25%, et descendent à moins de 20% chez certains pays.


À côté de ces trois impôts structurants dans une économie moderne, les autres impôts atteignent au Maroc des niveaux stratosphériques. C’est le cas en particulier de la fiscalité sur les produits pétroliers. Les taxes représentent plus du tiers du montant affiché à la pompe. Et on ne s’étonnera pas après coup du boycott de Afriquia qui symbolise cette forfaiture qui implique l’Etat en premier !


Parallèlement aux prélèvements fiscaux, il y a lieu d’ajouter les prélèvements sociaux. Rien qu’avec la CNSS, le total, part patronale et salariale, dépasse les 20%. Si on additionne ces prélèvements avec l’impôt sur le revenu, la ponction devient prohibitive.


Certes, l’Etat a besoin de lever des impôts pour faire face à ses obligations. Des impôts, même très élevés ne sont pas incompatibles avec un bien-être généralisé de la population. C’est le cas du Danemark, pays le plus imposé au monde et qui bénéficie d’un très haut niveau de vie. Ses habitants passent pour être les plus heureux car tous leurs besoins fondamentaux sont assurés avec une qualité rarement égalée.


Toutes proportions gardées, les ponctions effectuées sur les revenus du Marocain sont aussi considérables. Mais il n’y a aucune contre partie. Pire le niveau des prestations s’est dégradé au point où les écoles ne sont plus que des coquilles vides et les hôpitaux s’apparentent à des mouroirs.


La classe moyenne s’oblige donc à recourir à l’enseignement privé (qui se dégrade à son tour) et à se faire soigner dans des cliniques privées, et cela quand elle peut en payer le prix. L’enseignement et la santé, deux prérogatives incontournables de l’Etat, constituent les deux faces du hold-up dont sont victimes les moins nantis. Il en résulte une paupérisation accentuée d’une couche sociale dont le déclassement est chaque jour plus voyant, plus criant.


Qu’on ne se méprenne plus sur les véritables raisons de la désaffection du Marocain à l’égard de la chose publique et du mépris qu’il nourrit à l’égard de la classe politique, toute la classe politique, les décideurs véritables comme les seconds couteaux.


La majorité de ceux qui ont adhéré au boycott allaient, consciemment ou non, à la rescousse de la classe moyenne martyrisée par le pouvoir. Alors ne cherchons plus l’erreur. Elle habille les décideurs qui semblent ne pas voir dans le boycott une forme civilisée de la contestation. Cherchent-ils l’épreuve de la rue ?



Abdelahad Idrissi Kaitouni.

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