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Photo du rédacteurNouveau Don Quichotte

Ma mère, quelle maman était-elle ?



Ce dimanche, c’était la fête des mères. Pour l’occasion j’ai demandé à ma petite fille si elle a souhaité bonne fête à sa maman. Réponse d’enfant : et toi tu as dit bonne fête à ta maman ?

Je n’allais pas expliquer à une fillette de trente mois que la mienne est morte depuis for longtemps. Il n’empêche que quelque part j’ai senti comme une invitation à revisiter mon enfance et mon adolescence, c’est à dire replonger plusieurs décennies plus tôt.


Malgré tous mes efforts de mémoire, le flash-back restait flou, jusqu’à mes sentiments pour ma mère qui se sont égarés, et paraissaient étiolés. Qu’il y ait eu de l’amour, c’est certain, mais je ne peux en dire davantage. Mon imaginaire est-il à ce point altéré par le temps au point de ne pas me souvenir avec précisions de la profondeur de l’affection que nous avions l’un pour l’autre ?


Autant le contour de nos sentiments est devenu flou, incertain même, autant je me remémore le moindre détail de sa personnalité, de ses faits et gestes et surtout de ses paroles. Etant donné que cet aspect est resté très net dans mon souvenir, je me demande si je n’ai pas plus admirée ma mère que je ne l’ai aimée.


J’ai croisé dans ma vie de nombreuses personnes pour qui j’ai éprouvé estime, admiration et fierté. Mais du haut de mes trois quarts de siècle d’existence , j’affirme que nul ne pourra m’inspirer autant de fierté que celle que j’avais et que j’ai toujours pour ma mère. C’est à dessein que je parle de fierté car il s’agit de lui faire quitter le piédestal de mère et pour ne lui garder que son statut de femme, d’être humain.


En effet, on peut se griser de superlatifs en parlant de sa mère, mais on est enclin à davantage d’objectivité s’agissant d’une femme dont on occulte le statut de mère.

Sans m’étaler sur les différents aspects de sa personnalité et surtout de son humanité, je vais me contenter d’évoquer son rapport à l’amour d’une manière générale, tout en évitant d’insister sur l’amour d’une mère pour ses enfants. Là-dessus tout le monde s’accorde à dire que c’est ce qu’il y a de plus fort, même si certains n’y voient cependant que le signe d’un instinct grégaire.


Les rapports de ma mère avec l’amour des siens n’a rien à voir avec l’instinct maternel, mais puise ses fondements dans ce qu’il y a de plus élevé chez l’être humain.


Un jour que toute la fratrie était réunie autour d’elle, elle nous a dit, avec son autorité et sa douceur coutumières : “sachez mes enfants que je vous aime tous, indistinctement. Je vous aime de tout mon être, à la folie. Mais sachez aussi que je n’aimerai jamais aucun de vous autant que j’aime votre père”.


Nous étions trop jeunes pour mesurer la portée de ses propos. Pas de réaction sur le coup, mais je devinais les sentiments mêlés de la fratrie : surpris, étonnés ou carrément médusés, et pour les plus jeunes amusés.


Depuis ce jour j’ai cessé de percevoir ma mère juste comme une mère. Ce jour-là aussi j’ai entrevu ce que pourrait être l’amour d’une femme pour un homme. Je lui saurai toujours gré de m’avoir ainsi éveillé à de telles sensations.


Il était perceptible que pour elle, son mari était Dieu avant Dieu. Quand il mourut à l’âge de 45 ans, il se murmurait dans la famille que ma mère a été punie pour avoir déifié son mari. J’avais envie de crier : oui c’est la vengeance d’un Dieu jaloux. Mais à quatorze ans, j’étais trop jeune pour être audible !


Après avoir entendu la profession de foi de ma mère, mettant l’amour de son mari au-dessus de celui de ses enfants, je m’étais enhardi à la taquiner en lui disant :

-- Passe encore que tu préfères notre père à nous, mais pourquoi faire une différence entre nous. Sans se démonter elle affirme que sa préférence ira toujours à celle ou celui qui a le plus besoin d’elle . Je réponds, sarcastique :

— Mais maman nous avons tous besoin de toi !

— Heureusement que vous n’êtes pas tous en souffrance. Celui je préférerais est soit malade soit dans une passe difficile.

— Dois-je conclure que moi, plus endurant et moins fragile, je n’ai qu’une petite part de ce gâteau qu’est ton amour pour tes enfants.

— Oui tu as une petite part ! Mors-y à pleines dents et remercie Dieu de t’avoir donné de l’endurance et de la solidité.


J’ai gardé de cet échange un souvenir poignant et je l’ai adopté comme philosophie de vie. Depuis j’ai cessé de jouer les équilibristes en évitant de répartir d’une manière égale mon affection entre tous mes proches.


Si ma mère devait revenir aujourd’hui, je ne crois pas que je lui aurais dit ce dimanche bonne fête maman. Par contre je me serais empressé de lui dire que le morceau de gâteau qu’elle m’a donné naguère était succulent et j’en garde un goût incomparable pour le restant de mes jours.


Abdelahad Idrissi Kaitouni

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