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Maroc-Russie : Séquences d’un ballet dansé en «pas-de-deux*» !




Un jeu à la fois subtile et discret anime les relations entre le Maroc et la Russie. Puisqu’en théorie les deux pays se trouvent dans des camps opposés, la guerre en Ukraine était supposée accentuée la distanciation entre Rabat et Moscou. Apparemment c’est le contraire qui se passe. Les deux capitales veillent à ce que leur rapprochement ne vienne pas altérer les relations qu’ils ont avec leurs alliés réciproques.


Les Marocains sont surpris que les Américains ne réagissent pas contre le resserrement des liens avec la Russie. Le Maroc a continué à s’approvisionner normalement en céréales et surtout en carburants, malgré les sanctions prises par l’Occident. Il est vrai que les deux pays se sont arrangés pour contourner subtilement lesdites sanctions. Aujourd’hui, le commerce entre eux est des plus florissant.


Toujours dans la discrétion, le Maroc autorise les bateaux russes croisant dans les environs à faire escale dans ses ports pour y recevoir tous types de prestations, qui n’excluent pas les réparations navales. C’est un immense soulagement pour les Russes, qui pâtissent de l’embargo occidental, de pouvoir assurer la maintenance et l’entretien de leur flotte dans des conditions meilleures que s’ils devaient rapatrier les bateaux jusqu’en Mer Noire ou en Mer Baltique. 


Apparemment les mêmes facilités auraient été donnés, ou seraient sur le point d’être donnés à l’aviation russe pour faire escale dans les aéroports marocains pour poursuivre leurs vols vers l’Amérique Latine, notamment vers Cuba. Théoriquement c’était à l’Algérie, son principal allié dans la région, de garantir à la Russie toutes ces facilités. Mais les Russes connaissaient l’état de délabrement avancé des infrastructures algériennes. Et il n’y a pas que dans le domaine des infrastructures où l’Algérie manque de fiabilité. Dans sa diplomatie aussi, elle n’est pas fiable ! Ainsi Moscou a-t-elle pu mesurer toute l’inconséquence du comportement outrancier de l’Algérie avec les pays du Sahel, nouveaux alliés de la Russie.



Par contre le Maroc a toujours montré qu’il est un partenaire fiable et digne de confiance. C’est en toute confiance que le renouvellement de l’accord de pêche ne sera qu’une simple formalité. Par ailleurs l’accord pour l’installation d’un réacteur nucléaire revêt une importance capitale. 


L’opportunité est grande pour le Maroc qui vise à moyen terme la décarbonation de ses sources d’énergie. Nul ne peut lui reprocher de saisir cette opportunité, car en terme de coût ce sera sans doute très attractif. Il ne peut en être autrement au vu de l’état de l’économie russe et du cours du rouble.



Les manœuvres d’approche entre les deux protagonistes, malgré leur discrétion, ne sont pas de nature à tromper la vigilance de l’Oncle Sam, qui lui veille au grain, et s’assure que les mesures prises pour étouffer l’ennemi russe ne sont pas contournées.


Pourquoi ferme-t-il les yeux sur l’attitude de l’allié marocain dont les agissements représentent cependant de belles bouffées d’oxygène pour la Russie ? On n’a pas noté la moindre réaction du Département d’État pour rappeler à l’allié ses devoirs de réserve. C’est tout le contraire qui se passe dans la mesure où les Américains restent les pourvoyeurs en armes les plus évoluées du Royaume. Car le Royaume est réputé être le principal allié des USA hors OTAN.


N’allez surtout pas imaginer que les quelques milliards de Dollars que valent ces armes, seraient suffisants pour justifier la complaisance américaine ! Connus pour être intraitables quand il s’agit de leurs intérêts, les Américains doivent avoir de bien bonnes raisons pour ne point se formaliser du fleurte avec la Russie. 


N’allez pas non plus imaginer que les accords d’Abrams inclineraient à plus de mansuétude à l’égard du Maroc. Ces accords sont au plus mal avec les exactions criminelles d’Israël à Gaza. 



L’enjeu doit être suffisamment important pour Washington pour ne pas chercher à interrompre l’idylle entre Rabat et Moscou; d’autant plus que les deux capitales ne sont pas dans une réaction frontale contre les principales sanctions occidentales. À l’inverse de ce que certains observateurs attendaient, on assiste plutôt à un raffermissement de l’alliance maroco-américaine, au point que les petits écarts ne comptent plus.


Il faut aller chercher les explications de cette alliance d’un genre particulier, du côté des nouveaux bouleversements géostratégiques. Les USA ont superbement ignoré l’Afrique pendant très longtemps. Ils s’en remettaient à leurs alliés, notamment la France pour régenter et garder le continent dans le giron occidental. 


Cette stratégie s’est effondrée pour deux raisons : tout d’abord l’appétit des nouvelles puissances, ensuite la déconfiture totale de la France. Pour ce qui concerne les nouveaux arrivants en terre africaine, la Chine a commencé sa pénétration depuis plusieurs décennies, dans une grande discrétion, par contre l’arrivée plus récente de la Russie, a été tonitruante avec les milices Wagner et des coups d’état ici et là. Derrière ces deux grands, se profile le spectre de l’Inde et de la Turquie, jusqu’à l’Iran qui croit pouvoir pénétrer le continent en convertissant les populations musulmanes au Chiisme.


Pour reprendre la main sur le continent, les Américains ne peuvent plus compter sur la France qui s’est complètement effondrée en terre africaine, jusqu’à devenir « non-grata » dans plusieurs pays. Les méthodes américaines traditionnelles avec déploiements de forces, appartiennent à une autre époque, et seraient sûrement contreproductives.


Il leur faut un point d’accès au continent, qui ne se soit jamais compromis. Et le Maroc apparaît ici comme le partenaire idéal. La voie royale en somme !



Sauf que le Maroc n’acceptera jamais de prendre la place laissée vacante par la France. Outre qu’il n’en a pas les moyens, il n’en a surtout pas la vocation. Le Maroc n’a jamais, au grand jamais, établi des relations avec un quelconque pays dans le cadre d’un rapport de force. Là où il est présent, que ce soit sur le plan économique, culturel ou cultuel, sa présence a toujours été consensuelle, et survenant souvent à la demande expresse de l’autre partie.


Les Africains le savent bien et en savent gré au Maroc pour son attitude empreinte de respect pour eux, un respect auquel ils ne sont pas habitués de la part des Occidentaux et surtout pas des Algériens. Les Grandes puissances le savent aussi. Elles comprennent que ce comportement fait que les Marocains sont devenus influents et le deviendraient davantage, puisque jamais ils n’outrepassent les règles de bienveillance vis-à-vis de leurs partenaires.


Les initiatives prises pour renforcer et étendre l’influence marocaine en Afrique obéissent au principe trivial de gagnant-gagnant. Ainsi en est-il du gazoduc Nigeria-Europe qui va traverser une douzaine de pays, lesquels vont collecter de belles retombées sur leur économie. L’idée de désenclaver les pays du Sahel en leur offrant l’opportunité d’un accès sur l’Atlantique, peut s’avérer extrêmement féconde pour ces contrées.


Le Maroc rêve d’une alliance regroupant l’ensemble des pays africains donnant sur l’Atlantique. Tout parallèle avec ce que représente l’OTAN pour l’Europe est abusif. L’Organisation occidentale a d’abord une consonance idéologique dans la mesure où elle défend un modèle de société, et le système de libéralisme économique propre à tous ses membres. Mais le plus dérangeant dans l’OTAN, c’est sa vocation fondamentale militaire. Et pour se pérenniser, elle se doit d’avoir un ennemi, et à défaut, de se créer des ennemis. Par contre le Maroc veut faire de l’alliance atlantique africaine projetée, une organisation à vocation essentiellement économique. 


Pour compléter la panoplie des mesures prises par le Maroc, notons les efforts qu’il déploie pour une gestion indolore de la question migratoire. Sa gestion des flux migratoires est unanimement appréciée.



Voilà côté Jardin, qu’en est-il côté Cour ? L’image avenante qu’on vient de brosser du Maroc pourrait faire de lui un bon partenaire, mais de là à en faire un véritable allié, c’est d’autres critères qu’il va falloir prendre en compte. Car une alliance qui ne repose pas sur une dimension sécuritaire n’en est pas une.


Sur cet aspect-là, le Maroc est bien loti. Il dispose de services de renseignement digne des plus grandes puissances. Les informations qu’il partage avec elles , leur ont permis de déjouer des actions violentes sur leur territoire. Le Maroc est également incontournable dans la lutte contre le crime organisé, et tous ses partenaires lui en sont gré de la pertinence des informations qu’il partage pour la préservation de la sécurité collective.


Le pays arrive à jouer la modération parce qu’en même temps, il dispose d’une armée très professionnelle et équipée d’un armement des plus sophistiqués. L’armée royale est connue pour la qualité de la discipline qui y règne, de son organisation à toute épreuve et d’une redoutable efficacité dont elle donne un aperçu dans les manœuvres organisées ici et là.


Donc côté sécuritaire, le Maroc est bien paré, et donne l’impression d’une sorte de force tranquille. Raison pour laquelle, dans ses rapports avec les autres pays, il ne manifeste jamais d’agressivité. Prenons le cas de l’Algérie, malgré ses provocations répétées et souvent outrancières, les réactions marocaines restent empreintes de beaucoup de modérations. 



Derrière l’apparente impassibilité marocaine, se tient une nation fière, sûre d’elle-même, mais point dominatrice. Sûre de ses valeurs, de sa culture, de son histoire et d’une manière générale, de ce qui constitue son identité. Cette belle assurance, largement fondée, est reconnue et appréciée des grandes puissances. 


À commencer par l’allié américain qui préfère miser sur la bonne influence du Maroc sur beaucoup de pays africains pour éviter que ces derniers ne basculent dans une franche hostilité à l’Occident, malgré son très lourd passif avec le Sud-global. On parle bien d’influence et non de coercition, car il est hors de question que le Maroc accepte de jouer le gendarme au profit de qui que ce soit. 


Pour avoir usé et abusé de leur puissance militaire, les USA réalisent enfin que tout recours à la force risque d’accélérer le discrédit de l’Occident. L’option « Maroc hub de paix pour l’Afrique » est une belle promesse pour le maintien d’une belle coexistence.



En dehors de la France qui croit que le Maroc cherche à la supplanter en Afrique, les autres grandes puissances apprécient énormément le rôle joué par le Maroc dans son environnement régional. Il y a la Chine, qui tente de restaurer la Route de la Soie (B&R I), avec comme point d’ancrage, le Maroc. Ceci laisse augurer des coopérations fructueuses dans un avenir proche. 


Puis il y a la Russie qui veut conférer au Maroc un rôle pour combattre l’isolement dans lequel l’Occident cherche à la murer. Déjà en 2023, elle aurait voulu voir le Maroc faire acte de candidature au BRICS. Il s’en était abstenu à cause la candidature intempestive de l’Algérie. Cela n’a pas échappé aux Russes, et la violente sortie de Larvrov pour expliquer l’éviction de leur allié algérien, témoigne du degré d’agacement de la diplomatie russe face à l’attitude dilatoire de la junte militaire. Maintenant que Poutine est Président en exercice du BRICS, tout porte à croire que Russes seraient très heureux d’accueillir le Maroc dans ce groupement sans trop se soucier d’une nouvelle candidature de l’Algérie.


La présence marocaine au BRICS viendra compléter dans le nord de l’Afrique et l’ouest africain, le rôle joué par l’Afrique du Sud en Afrique australe, et celui de l’Egypte dans l’Est africain. 


Le « Pas-de-deux » doit continuer avec l’ours russe, et ce sera très bénéfique pour le Maroc.


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«*pas-de-deux», expression qui se dit en général de personnes dansant en parfaite synchronisation. J’aurais voulu rajouter aussi, en totale discrétion ! Mais …



Abdelahad Idrissi Kaitouni. 





















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