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Lilian Thuram toujours dans l’excellence : du footballeur à l’essayiste.



Tout le monde connaît le footballeur, le champion du monde 1998. Déjà à ce moment il se distinguait de ses autres coéquipiers par sa verve et son sens de la répartie. Cela lui valait beaucoup de sarcasmes des supporters qui ne voulaient pas de ses prétentions d’intellectuel et n’admettaient pas qu’il ne se cantonne pas dans ce qu’il sait faire de mieux : le football !

On ne va pas rappeler ici, bien que cela vaille la peine, la très riche carrière sportive de Lilian Thuram. Pour ne pas trop s’écarter de la ligne éditoriale de ce blog, on ne focalisera pas sur le sportif, mais sur la pensée du personnage. Ses pourfendeurs trouvent qu’il est obsédé par la question raciale nourrie par des blessures qu’on lui aurait été infligées quand il était enfant. Jugement injuste de ces détracteurs puisqu’ils ramènent un positionnement intellectuel et morale à de la simple vindicte personnelle.


Il est vrai que très tôt il s’était embarqué dans des combats contre le racisme et pour l’égalité, unique voie selon lui, menant à une véritable intégration. On ne reviendrai sur son parcours qu’il est facile de retracer sur les réseaux sociaux. (Wikipedia lui consacre une excellente page). On notera cependant que chaque étape de ce parcours est marquée par l’abandon progressif du simple militantisme antiraciste au profit d’une théorisation plus élaborée du concept de l’antiracisme.


Comment ce footballeur, très doué, s’est-il transformé en essayiste qui promet ? Il s’est jeté dans l’écriture dès 2010 alors qu’il courrait encore derrière le ballon sur les gazons des terrains de football. Le changement décisif dans le cheminement intellectuel de Thuram doit sûrement provenir du moment où il a fait partie de l’IFRI (Institut Français des Relations Internationales) où il a eu l’avantage et le privilège de côtoyer l’immense et admirable Pascal Boniface. Il ne pouvait rêver meilleure école !


Rien d’étonnant qu’aujourd’hui il nous vienne avec un livre abouti : « la pensée blanche », paru le 1er octobre dernier. Le choix du titre est des plus heureux car il nous embarque d’entrée de jeu dans le vif du sujet. En sous-titre il paraphrase une célèbre boutade de Simone De Beauvoir : on ne naît pas blanc, on le devient !


D’emblée il affirme que la pensée blanche n’a rien à voir avec la pensée des Blancs. La nuance est d’importance car la première est une idéologie fondée sur le fait que la normalité réside dans la blancheur de la peau. Il rapporte à ce propos une anecdote truculente où, un jour, il posa la question suivante à un de ses amis blancs : «si moi je suis Noir, toi comment es-tu ? ». En guise de réponse, l’autre gêné, a bafouillé : «Je ne comprends pas, mais moi je suis normal ! ». On voit ainsi que culturellement le Blanc est à ce point imprégné de la pensée blanche qu’il ne comprend pas qu’on puisse le regarder autrement que Blanc. Ainsi parle-t-on d’écrivains noirs, de chanteurs noirs, de sportifs noirs alors qu’on omet de mentionner la couleur des autres écrivains, chanteurs ou sportifs comme si le fait d’être noir est une curiosité à souligner.


D’après Thuram la pensée blanche consacre une hiérarchisation en fonction de la couleur de la peau, avec prééminence à la blanche. Le tragi-comique dans l’affaire c’est que les Noirs eux-mêmes ont tellement intériorisé l’identification des Blancs à la Norme qu’ils n’aspirent qu’à prendre l’apparence des Blancs pour se rapprocher...de la normalité. Il étaye malicieusement cette thèse en citant des exemples cocasses où des Noirs se disent fiers d’être moins noirs que d’autres Noirs.

Consciemment ou inconsciemment le non-Blanc semble s’accommoder de cette hiérarchie en dépit de tous les désagréments. On se retrouve avec un véritable filtre intellectuel qui fige chacun dans la catégorie à laquelle il appartient. C’est comme ça que se construit ce mur entre le Nous et le Eux. En somme, une prison identitaire dont on n’arrive pas à s’en sortir.

La catégorisation des gens en fonction de la couleur de leur peau laisse penser qu’il y a un racisme anti-Blanc. Thuram récuse cette appellation car, selon lui, ce serait un subterfuge pour déligitimer le racisme qui frappe les gens de couleur en paraissant vouloir renvoyer dos-à-dos toutes les catégories.


Pour illustrer d’autres propos, Thuram a judicieusement choisi de montrer une gravure du XIXème siècle représentant une scène de châtiment corporel des esclavages. On y voit un esclave entrain d’être fouetté sous le regard de spectateurs blancs. Tous étaient stoïques ou amusés sauf un bébé qui était effrayé. Évidemment le bébé ne peut pas encore assimiler cette normalité, autrement dit il est encore loin d’être conscient qu’il est blanc. Comme le dit le sous-titre du livre, il n’est pas encore devenu blanc.


Le racisme est donc une construction mentale arrachée à notre vécu dans une société donnée. Il faut remonter loin dans l’histoire pour comprendre comment ce sentiment s’est fossilisé dans le subconscient collectif, au point qu’aujourd’hui tout le monde s’y accommode, y compris ceux qui en souffrent.


Si le racisme qui vise les gens de couleur remonte à loin dans le temps, un autre racisme est entrain de se forger sous nos yeux : le racisme anti-Islam ! Les médias français s’évertuent à construire un mur pour parquer derrière tous les Musulmans, indistinctement. Ils ont usé à cet effet d’un filtre idéologique implacable en déformant outrageusement les valeurs de cette religion pour faire passer tous ceux qu’en sont originaires comme génétiquement incompatibles avec la citoyenneté. Enfermés malgré eux dans cette prison identitaire, les Musulmans sombrent dans la logique du Eux et Nous.


L’émergence du racisme anti-Islam n’atténue en rien la virulence du racisme anti-Noir. Il y a tout lieu de craindre que les médias français jouent un racisme contre l’autre ou pire justifient un racisme par l’autre. Les racistes de tous poils ont malheureusement de beaux jour encore devant eux !

Abdelahad Idrissi Kaitouni.







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