Mon dernier papier (21/11/2017) relatif aux Marocains qui ont préféré l’exil, m’a valu une levée de boucliers. On devine que les critiques les plus acerbes proviennent de ceux qui résident à l’étranger. Ils trouvent réducteur que je dise qu’ils ont «cédé à la peur de ne pouvoir lutter à la loyale avec ceux qui sont issus de moules culturels différents». Ils affirment que leur choix est un choix de société et non une réaction à une quelconque peur. Ils se refusent de rentrer dans une compétition qui ne les concerne pas.
Parmi les réactions il y a un commentaire cinglant de mon fils qui m’a rappelé que pendant les onze ans où j’étais secrétaire général de l’Association d’Amitié Maroc-Corée, je faisais régulièrement l’éloge du développement rapide et prodigieux de la Corée du Sud et du rôle déterminant de sa diaspora. Pour plus de clarté, l’explication suivante s’impose :
A l’issue de la guerre de Corée (1950-53), le pays était totalement dévasté et la partie sud complètement exsangue : plus d’économie et surtout plus de cadres qui avaient choisi en majorité l’exil. Après plusieurs péripéties politiques, la fin des années 50 voit l’arrivée au pouvoir du Général Park. C’était un dictateur féroce, mais d’une probité morale exemplaire (car au moment de son assassinat en 1979, il possédait en tout et pour tout 5 000 $).
Sa décision phare était la création du KAIST : Korean Advanced Institut of Science and Technology. Le but était de faire de la science et la technologie le vecteur du développement. Cela reposait entre autre sur le retour au « bercail » du plus grand nombre de Coréens de la diaspora.
A tour de rôle, des membres du Gouvernement et des émissaires de haut rang partaient en tournée en Europe et en Amérique du Nord pour convaincre leurs compatriotes établis dans ces pays de revenir chez eux. Cette vaste campagne de rapatriement était d’autant plus concluante qu’elle s’accompagnait de conditions très alléchantes : certains retours étaient négociés sur la base de salaires atteignant plusieurs fois celui d’un ministre.
Tous les analystes s’accordent à dire que le retour des membres de la diaspora coréenne était le véritable accélérateur de développement du pays. Sans eux, la Corée n’aurait jamais eu ces puissants groupes que sont Samsung, Hyundai, LG, KIA etc … .
Même la Chine, à un niveau moindre, s’est tournée vers sa diaspora pour la mettre à contribution et obtenir des avancées dans tel ou tel domaine. Cette politique initiée par Deng Xiaoping vers 1978, s’est poursuivie jusqu’au début des années 2000.
On ne peut pas parler de diaspora sans évoquer le cas d’Israël et le rôle décisif de cette communauté dans le progrès scientifique et technique du pays. L’instrument de cette politique est l’institut Weizman. Contrairement à ce qu’on peut penser ce n’est pas une administration tentaculaire avec administration et chercheurs, mais juste une base de donnée où sont répertoriés les membres de la diaspora avec leurs qualifications respectives. Chaque fois qu’Israël a besoin de développer un domaine, il savait où trouver les compétences nécessaires.
Par ces exemples, on voit bien le rôle primordial que les membres d’une diaspora peuvent apporter au développement leur pays d’origine.
Le Maroc s’est aussi intéressé à sa diaspora. Mais c’était juste pour collecter de l’argent au point que le transfert des résidents marocains à l’étranger représente la première source de revenu en devises du pays.
A la différence des autres, nous nous intéressons à l’argent de notre diaspora, pas à ses cerveaux. Quand il arrive aux hauts responsables de s’intéresser à quelques cerveaux, c’est juste pour donner un peu de couleur lors de cérémonies de certaines commémorations.
Le moment est venu pour le Maroc de repenser son rapport à sa diaspora et pour nous de ne plus jeter la pierre à ceux qui ont choisi de vivre à l’étranger. Peut-être que le salut viendra d’eux.
Abdelahad Idrissi Kaitouni.
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