J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’article de Mme Salwa Tazi sur «les Marocaines et la sexualité», ainsi que les commentaires qui l’ont accompagné. Au risque de trahir ce qui semble être un secret qu’un ami m’a confié, je n’ai pas résisté à l’envie d’apporter un éclairage sur un autre aspect de la sexualité de la Marocaine.
Un jour ce jeune ami, la cinquantaine à peine, m’a dit sur le ton de la confidence :
__ Pendant les quinze premières années de mariage ma femme avait coutume de prendre un bain avant de faire l’amour. Depuis qu’elle s’est voilée, elle propose de faire l’amour une à deux heures avant de se laver, même si moi, je ne suis pas en mode «désir». C’est à croire que l’acte sexuel d’avant bain fait simplement partie de la «purification». Qu’en penses-tu ?
__ Que veux-tu que j’en pense. La sexualité est propre à chaque couple et dépend du vécu et du ressenti des partenaires.
__ Non, s’il te plait, ne botte pas en touche. Si je fais étalage de mon intimité c’est que j’attends en retour des réponses claires de la part de quelqu’un que j’estime comme un sage.
__ Merci pour l’estime, mais comprends mon embarras. Je remarque cependant qu’au début pour ton épouse l’acte sexuel relevait du sacré et que maintenant elle a d’autres priorités et l’acte n’est plus paré de la même sacralité. Il faut parler entre vous, parler de son désir à elle.
__ Son désir me semble inhibé et si elle accepte de faire l’amour, c’est juste par devoir conjugal. Quand elle dit qu’une femme doit rester «impure» le moins de temps possible, c’est tout un programme !
__ Comment ça se passe dans les couples de votre âge, et qui vivent les mêmes changements.
__ Oui, j’ai regardé autour de moi et ce n’est pas la joie. Certains ont mis leur sexualité en berne, écrasés qu’ils sont par le poids de la religion. D’autres ont préféré aller voir ailleurs. Enfin cas extrême, il y a ceux qui optent pour le divorce. Tu devines qu’aucune solution ne me convient.
Je me suis tu. Mon jeune ami ayant compris que j’étais désolé de ne pouvoir l’aider, va tenter d’inverser les choses en posant des questions sur mon couple. Il demande :
__ Quelles règles appliquez-vous dans votre couple ?
__ A vrai dire aucune. Notre sexualité est guidée par notre désir réciproque et ne s’embarrasse d’aucun rituel.
__ Mais ta femme fait régulièrement ses prières, comment s’y prend-elle ?
Je réponds, sarcastique :
__ Ma femme est très volontaire et elle peut prendre son bain chaque fois que nécessaire pour se présenter « pure » devant son Dieu. Quant à moi, je sais que je suis pour elle Dieu avant Dieu.
Décontenancé par ma réponse, il accuse le coup et ajoute, comme pour se parler à lui-même:
__ C’est sûrement ma faute, je n’ai pas su m’ériger en Dieu pour elle. Je dois donc accepter de ne plus être sa priorité.
J’étais accablé par sa réflexion. Le malaise a changé de côté.
Abdelahad Idrissi Kaitouni.
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