Depuis plusieurs semaines le débat qui revient d’une manière lancinante sur la toile est la sempiternelle question de savoir si nous sommes des Arabes ou des Amazighs. Cet acharnement à remettre sur le métier cette problématique vise à dénaturer, chaque jour un peu plus, notre identité, acharnement qui obéit à des buts inavoués. Inutile de se poser la question pour savoir à qui profite le « crime », il suffit de tracer l’itinéraire des uns et des autres pour comprendre les motivations de ceux qui courent désespérément derrière un impossible schisme.
A l’exception de quelques sages personnes ayant une bonne connaissance du sujet, le débat est perverti par des individus devenus « intellectuels » par la grâce de FaceBook.
Pourtant. Pourtant il existe une très riche littérature sur l’Amazighité. Presque tout a été dit et redit sur le sujet, ce qui n’empêche pas certains de poser et reposer la question sans le moindre effort de documentation. Ils auraient peut-être gagné à lire « l’histoire insolite du Maroc » de Mouna Hachim qui offre une grille de lecture sans concession pour tous les protagonistes qui ont fait l’histoire de notre pays.
On peut en dire autant du livre « Maghreb, la démocratie impossible ? » et des autres écrits de Pierre Vermeren, qui à mon humble avis, paraît être un des meilleurs connaisseurs de cette région du monde. Il nous apprend par exemple que le capital génétique du Marocain est à 98% identique à celui de l’Espagnol. Cette proximité génétique avec les Ibères est plus importante qu’avec n’importe quel autre pays. Même constat d’ailleurs pour les Espagnols qui nous sont plus proches qu’ils ne le sont des Français par exemple.
Cela veut dire que le Maroc, au cours des siècles, a été un creuset (melting pot) où toutes les ethnies se sont fondues pour laisser la place à une seule ethnie: la marocaine !
Pour atteindre ce résultat, on peut imaginer que les Amazighs ont su « assimiler » les nouveaux venus. Assimilation d’autant plus aisée qu’il n’y a jamais eu « d’invasion » arabe à proprement parlé. En effet, toujours selon P. Vermeren, et aussi d’après Ibn Khaldoun, l’arrivée des Arabes au Maghreb s’est faite par vagues successives sur plusieurs siècles, dont la plus importante n’atteignait pas les 40 000 personnes. Les autres mouvements tournaient autour de 5 000 immigrants et la toute dernière, celle des Alaouites, datant du 13ème siècle, ne dépassait pas quelque centaines.
Peut-on vraiment parler d’un phénomène de colonisation ?
Toutes ces vagues réunies n’atteignent pas au total les 300 000 personnes, et les historiens s’accordent à dire qu’elles n’étaient pas constituées que par les Arabes d’Arabie.
Moussa Ibn Noussaïr, par exemple est arrivé avec une armée composée entre autres de captifs égyptiens fraîchement islamisés. Même chose avec les Fatimides qui voulaient s’emparer du Maghreb à partir de leur fief égyptien au moyen d’armées recrutées en Egypte. Les vagues fatimides n’ont guère dépassé l’actuelle Tunisie !
Par ailleurs, il y a lieu de noter que certaines vagues ne faisaient que transiter par le Maghreb car leur destination finale était l’Andalousie, l’Eldorado de l’époque.
Tous ces rappels, c’est pour souligner que l’impact génétique reste mineur. P. Vermeren le dit sans détour « les invasions arabes en Afrique du Nord et en Espagne sont restées marginales en termes d’apport génétique, et de population ».
Donc de grâce, arrêtons une fois pour toutes d’opposer Arabes et Amazighs. Il n’existe au Maroc qu’une ethnie et une, la MAROCAINE !
Toutefois, si l’apport génétique arabe est faible au regard de ce qui précède, l’apport culturel, et surtout cultuel et linguistique est d’une tout autre dimension. Je me propose de développer cet aspect prochainement pour souligner que l’unité ethnique est indissociable d’une diversité culturelle qui fait la richesse de l’identité marocaine.
Abdelahad Idrissi Kaitouni.
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