Dans la première partie de cette chronique, on a expliqué comment la boulimie coloniale de la France a accouché d’un immense pays complètement artificiel, fait de la juxtaposition de territoires totalement disparates. Outre que ce pays, baptisé Algérie, est comme on l’a vu un non-sens à la fois historique et géographique, on va montrer ci-après qu’il s’avère être aussi un non-sens économique dans la mesure où il est quasiment impossible à gérer, et encore moins à développer.
Les immenses espaces désertiques, joints à une aridité parmi les plus dures de la planète, rendent illusoire la rentabilisation de tout investissement d’infrastructures. Imaginez qu’on veuille construire une autoroute ou une voie ferrée sur 1500 à 2000 km entre le nord de l’Algérie et les confins sahariens, quelle utilité pratique aurait un tel projet ? Il n’y a même pas des centres de vie sur le parcours qui justifierait les gigantesques investissements. À l’extrémité sud, il n’y a pas de densité de popula-tion suffisante pour générer un flux d’échanges incitatif.
Outre le fait que les centres de vie construits autour des puits de pétrole et de gaz sont trop dispersés et éloignés les uns des autres, leur durée de vie est limitée, et arrivera à terme avec le tarissement programmé de ces puits. La sédentarisation des populations est très problématique. Elle est liée à la durée de l’activité extractive, et à la dureté du climat qui invite à l’exode vers des contrées plus accueillantes, surtout si les ressources ne sont plus garanties.
À titre d’exemple, le Maroc voisin fait attention : pour tout investissement, le taux de rendement interne (TRI) est pris en compte. Pour rester dans le cas des autoroutes ou des voies ferrées, leur rentabilisation intervient généralement dans un délai moyen d’une quinzaine d’années. Ceci a permis au pays de se doter d’une bonne infrastructure qui devient un véritable accélérateur de développement.
C’est le contraire en Algérie, où à cause de sa taille tentaculaire du pays, ce type de modèle économique n’est guère applicable du fait que la notion de TRI perd tout sens. Pourtant diriez-vous, ce pays dispose de très importantes ressources que lui apporte la manne des hydrocarbures. Vrai ! Le Qatar aussi dispose de la même manne, mais le différentiel de développement est abyssal.
Comparaison n’est pas raison comme dit l’adage ! Un État minuscule dont les frontières sont à un jet de pierre l’une de l’autre, ne peut être comparé à un pays de 2,3 millions de kilomètres carrés. Alors que dans le cas du Qatar le retour sur investissement est une affaire de quelques mois ou de quelques années dans la pire des situations, dans le cas de notre voisin, il demande un délai tel qu’il va falloir reprendre la même infrastructure avant de finir l’amortissement de l‘investissement initial.
Prenons aussi l’exemple de l’eau. Il suffit de quelques usines de dessalement d’eau de mer pour étancher tous les besoins du Qatar. En revanche, l’Algérie peut investir massivement dans ces usines pour avoir autant d’eau qu’elle veut, elle sera en plus dans l’obligation d’investir plus massivement encore dans des milliers de kilomètres de canalisations pour acheminer l’eau vers les populations qui ont en le plus besoin et qui n’habitent pas le pourtour méditerranéen.
Dans sa configuration actuelle, l’Algérie ne sera et ne pourra jamais être le Qatar !
Nonobstant la gestion calamiteuse des ressources de la manne des hydrocarbures et la gabegie qui caractérise l’économie algérienne, il n’empêche que le pays ne peut, dans le meilleur des cas que stagner ! Le drame c’est qu’il n’arrive même pas à faire du surplace, car il régresse, et régresse de plus en plus. L’Algérien passe aujourd’hui le plus clair de son temps dans les files d’attente pour obtenir certaines denrées de base, alors que la pénurie se généralise à de nombreux autres produits, et atteint des niveaux inquiétants.
Mais le plus inquiétant, c’est l’invraisemblable déni des pouvoirs publics, qui par des mensonges savamment distillés, font croire aux populations que les pénuries sont provisoires, et que malgré tout, leur situation est bien plus enviable que celle des voisins qui manquent de tout.
Ce discours est ressassé depuis longtemps, et maintenant plus personne pour les croire. Alors pour les Algériens le scepticisme est devenu de mise et la résignation un impitoyable refuge.
Il se trouve que dans cette masse innombrables de résignés, il y a quotidiennement un millier de jeunes que la résignation pousse au désespoir et les conduit à emprunter des embarcations de fortune pour aller voguer vers des rivages qu’ils imaginent plus accueillants
Le tragique des populations ne semble pas émouvoir les responsables algériens. Pas plus que les élites algériennes, à supposer qu’il en existe ! À leur tour ces élites constatent, médusées, cette descente aux enfers d’un pays qu’elles croyaient disposant de sérieux atouts pour le développement, mais qui ne fait que régresser. La communauté internationale aussi, avec sa lâcheté coutumière, préfère regarder ailleurs comme pour éviter d’assister à la déflagration qui finira par emporter ce pays.
On assiste à une démission généralisée de tout le monde, sinon comment expliquer que les gouvernants, comme les élites algériennes ou la communauté internationale, avec un confondant unanimisme font tout pour occulter le danger algérien. Est-ce la culture du déni qui devient générale ? Est-ce la peur face à des tabous éculés et à des pseudos intangibilités désuètes ? Est-ce tout simplement le sentiment d’impuissance face à la gravité du problème ?
La réponse se retrouve en totalité ou en partie dans les trois. Mais pour ma part, j’aurais mis le manque de courage comme principal raison à l’occultation des dangers.
Et le courage, il en faut beaucoup, énormément pour formuler le problème algérien en termes réels et … crus. Oser dire que l’Algérie est née d’une malformation congénitale n’a rien d’insultant, mais expliquerait « l’obésité » d’un pays qui s’était nourri de la boulimie coloniale française.
Que demande-t-on à une personne obèse ? De se soumettre à une cure d’amaigrissement ! Le salut de l’Algérie aussi passe par la nécessité de retrouver une taille naturelle et surtout humainement maîtrisable. Jusqu’à quand les populations vont-elles continuer à payer les forfaitures de la colonisation française ? Pourquoi s’accrocher désespérément au principe léonin de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation alors que c’est un principe imposé par les puissances occupantes pour s’absoudre de l’odieux découpage des frontières. Un découpage qui ne respectait pas l’unité des territoires, des ethnies, des idiomes et des croyances, un découpage conçu juste pour semer les germes de conflits ultérieurs !
Pourquoi vouloir maintenir sous la même bannière des populations très disparates ? Pourquoi vouloir faire croire qu’on peut gouverner un pays que tout indique qu’il n’est pas viable dans sa structure actuelle ? Pourquoi, pourquoi et pourquoi ?
Demander à un leader politique, aussi courageux soit-il de saborder le territoire qu’il dirige, relève d’une folle témérité. Pourtant dans l’histoire proche, on a les cas-types de grands pays qui ont été démantelés. En 1989, l’immense URSS avait bien fini par imploser après, près de soixante-dix ans d’existence. Cela s’était passé dans la douleur, mais sans effusion de sang. Le mérite en revenait à Gorbatchev et au peuple russe, qui avaient preuve d’une grande maturité et un sens inégalé des responsabilités (car il ne faut oublier que l’URSS disposait du plus important arsenal nucléaire de l’époque).
L’implosion a permis à plusieurs pays de retrouver leur indépendance. Ils ont connu des fortunes diverses, mais d’une manière générale ils ont tous progressé, chacun en fonction de ses propres ressources et du contexte politique et économique qui lui est propre.
Quelques années plus tard, l’éclatement de l’ex-Yougoslavie était plus douloureux puisqu’il était jalonné de conflits et même de guerres civiles. Ces violences meurtrières étaient voulues et alimentées par les puissances occidentales qui visaient à assoir une configuration finale après démantèlement, conforme à leurs intérêts. Aujourd’hui les pays nés de l’éclatement du pays de Tito, ont fini par panser leurs blessures, et vivent plus ou moins dans une relative prospérité.
Une implosion née de la volonté des dirigeants et des populations peut épargner les effusions de sang. En revanche un éclatement n’est pas exempt de violence. Donc aux dirigeants algériens de faire le bon choix : ou un atterrissage en douceur en favorisant l’implosion beaucoup de drames, ou un acharnement à maintenir coûte que coûte l’unité d’un pays artificiel qui finira de toute manière par éclater ?
Le démantèlement de l’Algérie actuelle ne peut et ne doit être considéré comme une « punition ». Bien au contraire, c’est un acte de salubrité et de bon sens. Il va permettre l’émergence de nouvelles entités qui vont progresser en toute indépendance et dans la coopération avec les pays de l’environnement dont elles sont issues.
L’atterrissage en douceur revient à rendre leur indépendance aux Kabyles, Azaouads et Touaregs, et à restituer les territoires spoliés aux pays limitrophes. Même avec ce délestage il subsistera comme entité centrale un territoire suffisamment vaste (entre 1 à 1,5 millions de kilomètres carrés), un peu à l’image de la Serbie qui reste malgré tout le pays central de l’ex-Yougoslavie.
Cette nouvelle entité, qui pourra éventuellement garder l’appellation Algérie, deviendra viable économiquement car délestée de tous les boulets qu’elle traine aujourd’hui. Les populations connaîtront une prospérité infiniment meilleure que ce qu’elles pourraient connaître dans la configuration de l’actuelle Algérie.
Abdelahad Idrissi Kaitouni.
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